vendredi 9 octobre 2009

Le retour automnal de Vasconi



Nos fidèles lecteurs se souviennent peut-être de Loïc Vasconi, qui à la suite d'un article d'Hanamizu, nous avait fait part de ses sensations les plus troubles ressenties lorsque vient l'automne au Japon. Nous n'avions plus de nouvelles de cet être aussi sensible que mystérieux, dont nous dirons pudiquement qu'il est "différent". Quel plaisir ce fût de recevoir de lui ce poème, qu'il dit être inspiré des récentes tentatives de Raoul Visage. Nous sommes émus de la sincérité avec laquelle il relate cette expérience singulière, émus de ce souffle revisitant l'alexandrin, que l'on croyait à tort périmé, par trop corseté. Nerval évoquait les Illuminés ; nous croyons pouvoir affirmer que Vasconi appartient à une autre famille, celle des Hallucinés, même si la mélancolie finale née de l'adieu à l'épanchement du songe dans la vie réelle montre qu'un équilibre semble avoir été in extremis atteint. Raoul Visage, heureux d'être l'inspirateur de ce poème, nous indique qu'il y voit "une ode réussie à la Régression, aussi bien formelle que thématique - voilà un paradoxe qu'il nous reste à penser : il n'existe pas de progrès en art, pourtant des régressions peuvent advenir". Mais laissons la parole au poète et à sa terrible traversée de l'Achéron, en l'occurrence le très onirique étang Shinobazu situé dans le quartier de Ueno.


Surinées par un porc ou par un rabatteur

Par un obscur Jean-Foutre un beauf en débardeur

Se cachent hardiement, sous les lotus malsains

Tout au fond de l’étang des hordes de putains


Allez donc vérifier : apportez votre masque

Vos outils de plongée, votre fidèle flasque :

Blasés que dites-vous d’un beau bal costumé

Chez ces succédanés de catins décédées ?


Pour moi, question oiseuse : j’approuve, je ris, je signe

Vrai, c’est plus dangereux que mille lacs des cygnes !

Mais pourtant dans ce lieu fini le bois bandé :

Sans me faire prier je descends l’escalier


Les érables ardents déteignent sur l’étang

Les sanguines couleurs diffusent lentement

Des méduses en carton font une apparition

Bordées curieusement par des bancs de moignons


Des tranches de barback flottent à la surface

Les putains affamées pour baffrer se surpassent

Ou ingèrent goulues leurs propres excréments

Car c’est bon pour la peau, ça rend intelligent


Des touristes parfois viennent s’encanailler

Ils en repartent heureux mais le zob arraché

Et répondent à l’affront par le jet frénétique

Sur les belles putains de billes métalliques


Elles n’éviteront pas les pauvres courtisanes

Les boulettes pénètrent et se fichent dans leur crâne

Ou traversent leur corps parfois jusqu’aux genoux :

Les putes se bidonnent et éructent « on s’en fout ».


Me voici englouti mais l’esprit souverain :

Ah ! Me voir naître enfin au monde souterrain !


Quel singulier tableau : des sœurs océanes

Se disloquent gaiement privées de toute panse

Leurs aiselles fardées sentent la frangipane

On en oublie fissa toutes les différences


Je titube sans art, quand mes bien-aimées dansent

Sur des rythmes hardis elles miment le dindon

Exhibant culs béants et accueillant girons

Bien que faisant penser à la fosse d’aisance


Bizarre régression, je me plais à songer

Que l’on doit sans douleur, ah, pouvoir trépasser

Une obèse poupée me lit du Ségalen

Moby Dick excité j’harponne la baleine


Mon obscène joystick se réveille et se dresse

Sans tarder s’insinue dans un reste de fesse

Pendant que doucement une demi-mondaine

Avec des nerfs de boeuf me ficelle sans peine


Raison dévole sec dans ce bal enivrant

Tant de spasmes se ruent sur le bout de mon gland

Je sens une douleur venant du bas du dos :

Un zombi inverti m’a percé les boyaux


Infecte sensation ! Je hurle « remboursé » !

C’est ainsi que d’un vit l’anus bien entravé

L’enchantement fait place à une vraie colère

L’humeur n’est certes plus à singer le trouvère


Je reste concentré, ose un doigt cavalier

Mais le vagin denté me le rend lacéré

Un hippocampe vert veut me faire un bandage

Retenez-moi mes frères ou je fais un carnage


Se perdent des bourre-pifs, des torgnoles, des fessées,

Je n’ai plus qu’à meurtrir la chair des macchabés

Puis leur peigner les nerfs avec des god’michés

Et recycler sur eux la chasse au sanglier


Je n’ai pas oublié mon révolver chargé

Mais je crains trop le snipe et la sous-munition

Des fluides bigarrés souillent mon pantalon

Ayez pitié de moi qui vous ai tant aimé


Décidé à punir mes belles amoureuses

Bravant toutes mes peurs je sors ma sulfateuse

Je tire dans le tas, et c’est bien mérité

Place au laid carnaval des chairs éparpillées


Sur ce spectacle affreux résigné je remonte

Vers les rives désolées de ma pénible honte

Devant expier céans mon choix irrévocable

Voici l’heure venue du deuil inconsolable


Je ne t’oublierai pas Shinobazu Iké

Automne japonais bannis mes borborygmes

Mon rêve trucidé je ne peux que sombrer

Dans les eaux cramoisies de la vie sans énigme


1 commentaire:

elsushi a dit…

Ah, j'aime.C'est bien d'exister.La satire.Terry Gilliam aurait pu l'écrire ce blog.