dimanche 31 août 2008

Cyprien, maître-perruquier




Après Evariste Frayé, dont nous avons salué dernièrement l’origanalité et l’élégance, nous poursuivons notre tour d’horizon de ces français de Tokyo, loin des strass et des joutes spirituelles du milieu universitaire . Comment passer sous silence cette myriade de gagne-deniers qui oeuvrent dans l’ombre? Habiles petites mains perfectionnistes qui perpétuent, pour le plus grand bonheur des épouses de nos cadres expatriés et des autochtones avisées le bon goût et le savoir-faire « à la française ».


C’est aussi l’occasion de faire une publicité certes inutile, compte tenu de sa notoriété, à ce remarquable et méritant artisan reconnu de notre petite communauté : nous voulons bien sûr parler de Cyprien, maître-perruquier, dont l’enseigne, loin de briller de mille-feux, se trouve tapie dans l’une de ces petites artères pittoresques du Tokyo-caché aux yeux des trop pressés et des médiocres.

Akiko, fidèle cliente, apparaît ici dans un magazine de mode dans une coiffure réalisée par les doigts de fée de notre Cyprien national, dont nous vous faisons partager un témoignage inédit et boulversant d’authenticité. Le métier de coiffeur n'est pas parfois sans surprise; il n'est jamais de tout repos.

Arpentant les ruelles fleuries de Meguro, Pierre-Alain Xantrailles s'est rendu dans ce fameux haut-lieu de la bouclette genrée : « Cyprien, coiffures, permanentes et perruques », en français dans le texte, suivi d’une traduction dans la langue de Masami Kurumada. Notre intrépide reporter, qui s’est fixé comme but de toujours « pénétrer l’inconnu(e) », n'a pas eu peur de franchir le seuil, méprisant de potentielles embuscades, courantes à Tokyo. Ecartant de ses doigts fébriles les rideaux de plastique, Xantrailles est tombé nez à nez avec cet hardi entrepreneur, gérant des lieux. Interview.

X : Pourriez-vous vous présenter, cher maître ?

Cyprien : Cyprien Blanchetier, maître perruquier, établi à Tokyo depuis 1998.

X : Je pense que nos lecteurs désireraient en savoir plus sur vos activités, et sur ce qui vous a poussé à vous installer à Tokyo, cher maître.

Cyprien : Pas dur ! J’étais déjà maître perruquier à Paris, du côté d’Opéra… Vous connaissez… Eh ben, depuis quelques années, je constatais chez ma clientèle une recrudescence de Japonais, étrange, moi qui n’ai jamais exercé que pour quelques mamies du quartiers… et quelques mâles en mal de moumouthes, cela va de soi. Alors voilà, des ptites minettes et des éphèbes venus tout droit du Japon commençaient à zieuter la boutique avec intérêt… Je les accueillais par un tonitruant irasshaimase que les commerçants du quartier connaissent bien et je les voyais qui s’intéressaient aux perruques, les essayaient…

X : Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Cyprien : Bizarre n’est-ce pas ? Et pourtant… Chez les hommes, il y a cette mode du rock visuel, que vous n’êtes pas sans ignorer, je me trompe ?

X : En effet… ces androgynes imitateurs de Bowie, dont certains vont même jusqu’à mimer les coiffes de nos aristocrates sectionnés à la base du cou…

Cyprien : Voilà. Des groupes de visual-kei à succès comme Malice Mizer, Janne Da Arc (sic) ou autres Versailles ont lancé cette mode de la perruque parmi la population nippone branchée au côté électrique de la merdonité… Mimétisme ranci, souffrant d’un incurable ridicule mêlé à sa superficialité consubstantielle. Un relecture poussive du glam-rock pour rombières en mal de monstres... mais néanmoins tout à fait lucrative. Car Cyprien, c'est un gage de qualité et d'authenticité Made in France, vous l'admettrez. Le bouche à oreille aidant, je me suis vite retrouvé à l'avant-garde de la perruque aristo pour métalleux visuels.

X : Et pour les femmes ?

Cyprien : Les femmes sont elles aussi sensibles aux arabesques de poils blonds greffés sur le crâne, surtout les jeunes, surtout les hôtesses. Vous voyez certainement ce que je veux dire….

X : Je crois comprendre oui. Ces bougresses, pour gagner du temps, vont se fournir chez vous en perruques, remplaçant des heures et des heures de labeur capillaire pénible… pour obtenir des cheveux blonds bouclés bouffants de boules-de-suif… puis faire bouter le bout-dehors et bousiller les bourses de bousingots boostés au Bourgueil !

Cyprien : Je vois que votre parlure fleurie arrive à faire entrer le réel dans ses rets. Alors je me suis dit, si ça marche à Paris, ça va cartonner à Tokyo ! Economies faites, je loue un local dans ce quartier phare de la jeunesse délurée et en avant les yens dans le pantalon !

X : vous êtes habile, Cyprien, et c’est tout à votre honneur. Cependant, vous m’informiez avant l’enregistrement que des plaintes du voisinage ternissaient légèrement cette success story...

Cyprien : Certes oui, Xantrailles. J’ai un problème aigu d’incontinence, je ne peux m’empêcher d’uriner régulièrement sur la voie publique, et voilà qu’une catin, qui tient un bouiboui des environs, me cherche des noises… elle m’a fait des recommandations, je me suis moquée d’elle… puis je suis allé faire mes ordures devant chez elle, de la manière la plus indécente. Elle m’a traité de shampoineur de chauves alors fissa je l’ai injuriée : servante, bordel, putain… La maréchausée est venue, je me suis défendu en affirmant que si j’avais laché de l’eau, c’était seulement étant donné qu’il y a une rigole, et qu’elle m’avait sauté dessus en me criant « Jean foutre, mâtin, tu viendras donc toujours pisser dans mon allée »… Je traduis librement mais enfin, c’était ça. Elle m’a même lancé au visage des excréments de lynx !

X : Quel scandale…

Cyprien : Certes oui, et à cause de cela mes relation avec le voisinage sont fort mauvaises, vous imaginez, à cause de quelques gouttes d’urine dans une rigole ! Je ne sais pas quoi faire, Xantrailles…

X : Vous ligaturer la verge, peut-être ?

Cyprien : J’y ai pensé. Enfin, tout ce que je rencontre nécessairement d’hostile se fonde au foyer de ma propre gloire, vous en conviendrez. Je suis si heureux, par ma méritocratie, d’apporter une note positive à votre tableau des traumatisés de Tokyo. En espérant que cet interview aie une valeur éducative pour tous les loosers dont vous rendez compte, incapables de se sortir les doigts du troud'.

X : Depuis toujours soucieux de faire montre de dialogisme dans mon enquête sur ce triste syndrome, je vous remercie, Cyprien. Puisse votre audace et vos compétences de vie continuer à vous apporter fortune et rémunérations autres, en accord avec l'anagramme de votre nom.



Photo du groupe Malice Mizer, comptant parmi les plus prestigieux clients de Cyprien (formé chez Secher-fernoux, maîtres-perruquiers-posticheurs de pères en fils. http://www.secher-fesnoux.fr/).

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La DROITE LETTRISTE se cache derrière cette dérision de fins de cuite entre jeunes gens de la haute qui ont renoncé au rattrapage du bac pour se lancer dans l'organisation de rallies au sein de la hype tokyoite.
Les masques tombent.

tiqqun